Afin de préparer ses excursions et voyages annuels, Henri dispose de GUIDES, de CARTES et doit se limiter dans le domaine météorologique du baromètre et du thermomètre. Par contre, une boussole est essentielle pour se guider sur des routes qui manquent cruellement de panneaux indicateurs : il faut souvent demander son chemin !
Guide Baroncelli
Le BARONCELLI est le premier guide important pour notre auteur et pour l’époque. Adrien de BARONCELLI de JAVON ((1852-1926), baron puis vicomte, a réalisé 94 fascicules intitulés « Guides routiers régionaux à l’usage des cyclistes et de la locomotion automobile » (appelés à l’origine en 1883 « Annuaire de la vélocipédie pratique »), en vente chez l’auteur à Paris, 18 rue Roquépine et chez tous les libraires. BARONCELLI a été Chef-Consul de l’UVF pour la région Nord, puis Chef-Consul du « Cyclist’s-Touring Club pour la Division Française. En 1892, notre auteur écrit : « Baroncelli dit à propos de ce département du Nord que j’ai l’heur d’habiter trois années [SMO] que le Nord est le département le plus mal partagé pour la vélocipédie. La plus grande partie des routes sont pavées et l’on devra employer souvent les chemins de halage » ; « nous suivons scrupuleusement l’itinéraire de Baroncelli, et au carrefour de la Croix du Grand Veneur, après avoir tourné à gauche, prenons une route qui semble nous ramener sur nos pas Auguste consulte sa boussole :la direction est bonne et nous suivons cette route charmante, en plein bois, formant de charmants détours, descendant presque tout le temps, qui nous amène devant Fontainebleau » (2 Avril 1899) ; « après le pont commence une côte que Baroncelli dit faisable en machine : nous la faisons à grande vitesse et très rapidement » (2 Août 1902) ; « à la borne 5.1, nous quittons la route d’Annecy et prenons le chemin de Chavanod. Le début est passable et nous avons le tort de faire fi du conseil de Baroncelli qui engage à mettre les machines dans une ferme et de poursuivre à pied. Nous continuons donc, mais il nous faut bientôt trainer nos machines sur un sol fait de cailloux et de sable et descendant terriblement » (1° Août 1902) ; « nous voilà dans les Hautes Alpes… la pente reprend à 6.5% et nous devons aller à pied… Encore 19 Km de côte nous dit Baroncelli ! » (5 Août 1902) ; « les 7 Km qui suivent le col sont entre 10.9 et 12% Baroncelli conseille prudemment de les faire à pied car ils sont très mauvais comme terrain. Nous commençons, mais au bout de 100 m nous en avons assez et nous voilà sur nos machines. Ah ! Les braves bicyclettes ! » (5 Août 1902) . Le Baroncelli est donc un guide routier.
Les différentes éditions du guide Joanne
Henri évoque en deuxième lieu le guide JOANNE. Il s’agit d’une collection de guides édités par la maison Hachette auxquels travaillent Adolphe JOANNE (1855-1881) puis son fils Paul (1881-1911). Il existe progressivement quatre types de guides. Des guides-itinéraires qui développent les curiosités touristiques de la France mais qui recensent aussi les ressources naturelles, les populations, les activités agricoles, artisanales, industrielles et les débouchés commerciaux. L’ensemble de la France est couvert par 10 guides entre 1861 et 1868 selon un plan qui correspond aux grandes régions nationales : c’est l’IGF (Itinéraire Général de la France). Ces guides ont une couverture bleu nuit (percaline) à lettrage doré. En 1919, ils prennent le nom de Guides Bleus et existent toujours. Les « guides diamant » en petit format et de couleur raffinée vert-émeraude se spécialisent : Paris, un volume pour l’ensemble de la France, des fascicules pour les régions les plus visitées (Normandie, Bretagne, Pyrénées, Dauphiné, Vosges) ainsi que des monographies pour les villes thermales et les stations balnéaires (future « Côte d’Azur »).
Guide Joanne
De couleur rouge, ce sont d’autres monographies brochées, donc moins chères, de villes de villégiatures (grandes villes françaises et étrangères, stations balnéaires et thermales) . Enfin en 1907, c’est le « Joanne illustré » avec des dessins, des cartes ou plans, de Paris, des plages, des itinéraires automobiles. Notre cycliste évoque le Joanne : « à peine sommes nous entrés qu’un homme s’avance vers nous et nous propose des chevaux pour aller au lac de Gaube. Joanne indique 8 Francs par cheval. Il nous en propose 5. .. Je refuse et en demande 4. Il ne veut rien savoir mais nous suit à distance. Nous nous arrêtons dans le premier café venu. Là bientôt arrivent plusieurs guides dont l’un, boiteux et un peu plein, accepte nos conditions et se charge de nous trouver des ânesses à 4 F » (4 Juin 1894) ; « Nous repartons à midi ½ et nous mettons en mesure de visiter la ville [Rouen]
Rouen: extrait du Joanne “Normandie” de 1904
. L’itinéraire indiqué par Joanne part de la rue verte » (8 Juin 1895) ; « Quant à nous, suivant l’itinéraire indiqué par Joanne, nous nous mettons en devoir de chercher les divers monuments mégalithiques qu’il signale » (3 Juin 1899) ; « Iles anglo-normandes, Jersey : « une courte descente m’amène sur le quai et grâce au guide Joanne je m’oriente bien vite … Ce diable de pays est absolument dépourvu de plaques indicatrices. Malgré le Joanne, je me trompe absolument » (10 Juin 1900) ; « me fiant à Joanne, j’avais établi mon itinéraire parce que le bateau devait partir demain. Or Joanne m’a fichu dedans. On ne va à Sercq que dans deux jours ! » (12 Juin 1900) ; « TOURS … j’atteins le pont sur la Loire, et quoiqu’en dise Joanne, la vue de la ville, de cet endroit, n’a rien de remarquable » (15 Juin 1901) ; « bientôt j’arrive à Goulven. Joanne indique l’hôtel Mésantourne. D’abord glaciale, l’hôtesse me dit qu’elle ne donne plus à manger. J’insiste et obtiens tout de même ma pitance » (29 Juin 1903) ; Cascade de Saint Hubert : « Joanne dit qu’elle présente une différence de niveau de 70 m et s’étend sur 200 m, mais omet d’ajouter que l’Ellez qui la forme … a environ 70 cm … De sorte que la cascade ne peut lutter avec le Niagara » (30 Juin 1903) ; les ruines de l’Abbaye de Bon Repos : « nous nous attendons à tomber sur quelques vestiges du Moyen Age et nous voilà dans du Louis XIV. Cette abbaye fut cependant fondée en 1184 dit Joanne » (3 Juillet 1903). Le guide JOANNE est donc précieux pour les visites de sites, ce n’est pas un guide routier comme le BARONCELLI.
Deux autres guides sont mentionnés une fois chacun : « Nous avons résolu, revenant déjeuner à Paris, de suivre un des petits itinéraires LAROUSSE » (17 Mai 1896), mais nos recherches ne nous ont pas permis, dans l’abondance de éditions Larousse, d’en trouver traces. L’un des cyclistes possède un Guide CONTY. Henri CONTY (1828-1896) a rédigé 70 titres à partir de 1875 sur la France (villes, Pyrénées, Vosges, Bords de Loire, Bretagne Ouest, Normandie, de Paris à Nice, de Paris à Marseille et Sète, Aix les Bains, Algérie et Tunisie) et de pays-villes de l’étranger (Suisse, Iles Anglo-Normandes, Belgique, Bords du Rhin, Espagne, Portugal, Londres, Bruxelles). Nous pouvons supposer qu’Henri s’en est inspiré.
Extrait carte vélocipédique Andriveau-Goujon Paris sud ouest 1896
Enfin, Henri dispose de CARTES GEOGRAPHIQUES et ROUTIERES. En France, les plus anciennes cartes vélocipédiques connues datent de 1893. Elles sont dérivées des cartes d’Etat Major au 1/80.000 ou des cartes couleurs au 1/20.000 produites par l’Armée. C’est en 1887 que le Service du Dépôt de la Guerre est transformé en Service Géographique des Armées (SGA). Une des particularités intéressantes pour les cyclistes est que des profils des routes entre villes accompagne certaines de ces cartes. En 1895, la maison d’édition TARIDE, aidée du personnel consulaire de l’UVF et des agents voyers, ingénieurs et conducteurs des Ponts et Chaussées produit ses premières cartes en noir et blanc à l’échelle 1/250.000. Le TCF, avec l’aide d’éditeurs géographes régionaux , produit des cartes vers 1893. Une carte est attestée en 1897 avec la mention « 4° édition », année où le TCF publie son 1° Guide Routier. Les éditions PLON, MATTOT-BRAINE, FLAMARION et LAROUSSE éditent des cartes papier glissées dans des pochettes en papier et reprennent le modèle de base. Sur la pochette sont indiqués le nom de la région concernée, le prix, la marque. Il existe une version plus solide sur toile mais dont le prix est double La carte est découpée au format de pliage et collée sur une toile. Ces cartes ont l’avantage de mieux résister à l’usure. Les détails les plus souvent sont : le relief (hachures puis courbes de niveau), l’habitat (agglomérations avec leur taille, villes, villages, éventuellement hameaux), la distance entre villes, le réseau viaire (routes nationales, départementales, chemins) et sa nature (type de chaussée, dimensions, pavage, macadam : lit de pierre recouvert de sable le tout compressé, terre), l’aménagement des bordures (trottoirs, fossés, rails pour tramway), le sens des pentes (>>,>)), les moyens de communication (télégraphe, téléphone). Des tracés de couleur, de tirets, de pointillés indiquent l’état des chaussées pour les « velocemen ».
Henri évoque dans ses carnets les cartes : « La route est bonne mais fort compliquée. Nous n’avons pas de cartes et les plaques sont rares. Aussi, nous nous en sommes aperçus le lendemain en voyant la carte, faisons-nous des détours impossibles. » (18 Juin 1893) ; « Après avoir attendu une bonne heure, nous consultons la carte et, voyant qu’il y a une station tout proche, demandons le premier train.» (28 Août 1898) ; « Cependant, si j’en croit ma carte, je dois avoir déjà fait une énorme étape. Cette carte est à très petite échelle et je dévore l’espace. L’examen de la carte et de la boussole ne me tire pas d’embarras et je prends le parti de continuer devant moi. » (11 Juin 1900) ; « Malgré les proportions inquiétantes de ma carte, j’ai bientôt doublé le Nord de l’Ile [JERSEY] et revient vers l’Ouest. » (13 Juin 1900) ; « Un vent violent complique cette longue côte à ce point que je me figure franchir la Montagne Noire. Après Poullaouen, la carte consultée me montre mon erreur : la Montagne Noire ne commence qu’à Carhaix et j’ai encore 11 Km avant d’atteindre cette ville. » (2 Juillet 1903).
En conclusion notre cycliste exprime au fil des ans ses états d’âme lors de la PREPARATION DES VOYAGES: « Oh ! Cette semaine qui précède le grand départ ! Les derniers achats, l’examen répété et anxieux du baromètre, du vent ; les derniers coups d’œil à l’itinéraire pourtant fait depuis des mois ; la préparation du paquetage ; la liste interminable des objets à emporter ; la dernière visite à la machine, à l’appareil [photographique] – marcheront-ils ? puis les adieux, l’équipement et enfin le dernier regard dans l’appartement déjà triste et vide avec l’appréhension de l’oubli de « quelque chose » et un je ne sais quoi de crainte pour l’avenir. » (1889); « Ah ! ce bel enthousiasme d’antan ! … Et c’était le bon temps où chaque excursion était faite trois fois : d’abord la préparation de l’itinéraire –combien longue et minutieuse – pui l’excursion elle-même et enfin son récit où les points noirs disparaissent pour ne laisser qu’un frais souvenir de jeunesse et de gaité. Aujourd’hui, 16 Novembre 1900, après un été idéal, je commence seulement cet habituel compte rendu de ma campagne cycliste. » ; « Chaque année, la préparation du « Grand Voyage » me prenait bien trois mois. Cette fois, c’est à peine si, en Mai, j’ai commencé à consulter les cartes. C’est que je n’ai aucun de compagnon de route en vue. » (8 Juin 1900) ; « Où l’on sent que les ans sur les ans s’amoncellent. C’est moins à la décroissance de la force physique qu’à l’émoussement de la sensibilité. Alors qu’autrefois chaque voyage était préparé de longs mois et que bicyclette et bagages étaient prêts au moins huit jours avant le départ, hier, quand à 6 H ½ je rentrai chez moi, Triplepatte gisait encore les pneus mols et les sacoches dormaient sous la poussière. » (3 Août 1907).
L’annuaire du TCF est aussi un outil précieux pour la préparation du voyage.
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